Amélie Harvey
Que ce soit dans l’interprétation d’œuvres traditionnelles, dans la culture populaire ou encore dans la littérature, l’emploi du mot en « N » sème controverse et polémique. La question demeure: est-ce approprié d’employer ces termes bannis de notre vocabulaire dans un contexte particulier?
Historiquement parlant, le mot en « N » est omniprésent et décrit un groupe de personnes de couleurs. « Ce mot-là désigne une haine, une discrimination et une continuation des stéréotypes », indique le professeur et spécialiste en histoire afro-américaine de l’Université du Québec à Montréal, Greg Robinson.
Élève de l’école secondaire des Pionniers de Trois-Rivières, Alexis Roy-Letarte a connu une importante attention médiatique surprise à la suite de sa prestation au concours Secondaire en spectacle. Ayant fait le choix d’interpréter l’œuvre Speak White de Michèle Lalonde lors du concours de talents de son école secondaire, il affirme avoir été victime de censure de la part de l’administration.
Speak White est un poème voulant dénoncer le racisme et la discrimination dont faisait preuve le Canada anglophone à l’égard des franco-canadiens. Ce poème utilise le mot en « N » à des fins de dénonciation. En l’interprétant, Alexis a été contraint de remplacer le terme « N » par le terme « maigre ». « Cela prend une seule personne pour dénoncer, on assiste à une dictature des minorités, tout est censuré, nos mots, nos pensées, nos idées », lance l’étudiant.
Dans la culture et le monde des arts, plusieurs œuvres se sont vu être censurées et dérivées de leur propos de base, et ce, bien au-delà du mot en « N ». C’est le cas de la série Les filles de Caleb, où un épisode a été coupé, car le protagoniste, Ovila Pronovost avait le visage teint en noir. Dans la littérature, on modifie aussi les titres d’œuvres classiques importantes, comme l’œuvre d’Agatha Christie, Ils étaient dix.
Pour lui, tout est question de contexte, certains plus acceptables que d’autres. « L’emploi du terme est possible, mais à prendre avec des pincettes », croit Alexis Roy-Letarte.
M. Robinson, de son côté, mise plutôt sur la prudence. « De manière générale, vaut mieux éviter de s’avancer dans un terrain aussi risqué, on ne peut estimer les conséquences de nos propos, c’est un mot fort de sens. »