Kim Martin
L’usage du « mot en N » dans l’enseignement fait débat depuis quelques années. Des élèves considèrent que le mot est blessant, alors que des enseignants affirment qu’un meilleur apprentissage de l’histoire serait nécessaire.
Racisme ou liberté d’enseignement? L’opposition de ces perspectives en lien avec l’utilisation du « mot en N » a débuté en 2020, lorsqu’une enseignante de l’Université d’Ottawa l’a mentionné dans son cours. La censure du mot dans l’enseignement est suggérée, mais la majorité s’y oppose.
« “Le mot en N”, comme tous les autres mots, fait partie du langage », souligne le professeur titulaire et directeur de recherche à l’Université d’Ottawa, Boulou Ebanda de B’béri. Selon lui, les enseignants qui souhaitent intégrer ce vocabulaire dans leurs cours devraient préparer leurs élèves. « Le mot rappelle des périodes historiques où le racisme était prédominant […] quand tout le monde se l’approprie sans comprendre d’où il vient, sans comprendre la charge historique, évidemment on peut sauter [aux conclusions] : il faut censurer, il faut faire ci, mais ce n’est pas ce qu’il faut faire. Il faut s’éduquer. »
Le professeur fait ressortir l’importance d’apprendre l’histoire derrière ces mots. « La compréhension de [l’histoire du mot] et de sa charge historique permettrait qu’on puisse mieux se comprendre en société parce qu’on ne se connait pas. »
La professeure retraitée en études politiques à l’Université d’Ottawa, Sylvie Paquerot, est également contre la censure. « Je ne vois pas comment on peut penser qu’on va régler un problème social par la censure. »
Elle constate qu’un manque de connaissances historiques est en lien avec le débat. L’enseignante indique que ce sont les discriminations qui devraient être enseignées. « Tous les enfants du Québec devraient avoir un cours sur les droits fondamentaux. D’une part on comprendrait […] que ça vient des luttes et d’autre part, on se rendrait compte qu’il y a multiples discriminations et qu’elles varient d’une société à l’autre. »
Du côté des étudiants, la censure est le choix le plus convenable. Pour l’étudiante du Cégep de Jonquière, Marie-Reine Cubaka Tumsifu, l’usage du mot est « une sorte de racisme ».
« Si tu l’utilises […] c’est un peu comme si tu faisais naitre quelque chose qui est déjà passé », explique-t-elle.
L’historien Marcel Trudel évalue qu’au Québec le tiers des esclaves était d’afrodescendance. L’esclavage a été aboli en 1833. Cependant, les injustices sociales existent toujours.